Les Fusillés de Noville (Bastogne) - 21 Décembre 1944
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Les Fusillés de Noville (Bastogne) - 21 Décembre 1944
Le 18 décembre 44, le team du major Desobry, appartenant au Combat Command « B » de la 10e division blindée, part de Bastogne en direction de Noville vers 23h. Vers 1 h, le 19, le major fait installer trois barrages routiers, avec des avant-postes, sur les routes dangereuses venant de Bourcy, d'Houffalize et de Vaux. En fin de nuit, la 2.Panzer Division tâte le dispositif américain et se prépare à attaquer Noville par le Nord.
Lorsque le brouillard se lève vers 10h, les chars allemands apparaissent en position d’attaque. Appuyé par un peloton du 609e Tank Destroyer Battalion, le team détruit ou tient en respect les chars allemands. L’artillerie allemande exécute des tirs de harcèlement sur Noville.
Le 19, vers midi, le team Desobry est renforcé par le 1re bataillon du 506e Parachute Infantry Regiment de la 101e Airborne Division. Les deux formations lancent une attaque à 14h30 afin de s’emparer des terrains qui dominent Noville. Cette attaque est appuyée par les feux du 420e Armored Field Artillery Battalion. Elle échoue. Un obus de 88 tue le lieutenant-colonel La Prade (chef des paras) et blesse le major Desobry dans leur P.C.
La nuit du 19 au 20, l'artillerie allemande continue à se manifester. Le 20 avant midi, le 2e Panzer Grenadierregiment exécute des attaques mineures, mais constantes, avec, à 10h, l’intervention d’une dizaine de chars. Noville tient, mais les Allemands contournent le village. A 13h, les Américains reçoivent l’ordre de se replier!
A la suite des combattants de la 2.Panzer et de la 26.Volksgrenadier, une unité spéciale de représailles s'installa au village. Ses membres semblaient particulièrement bien informés de ce qui s’était passé à Noville même, depuis la retraite peu glorieuse de la Wehrmacht en septembre 1944. L'un d'entre eux, exhibant une photo de la libération où on voyait notamment les jeunes filles Nicolas acclamer les libérateurs, s'exclama: « Alors, on s'est amusés ici, le 10 septembre dernier!». Pénétrant dans une maison, un autre Gestapiste s'écria: « Et ce fameux Krier, où habite-t-il donc? ». Il s'agissait d'un résistant de la région qui deviendra gendarme. L'arrogance de tous ces gens ne laissait rien présager de bon.
4 heures après s'être installés dans les locaux de l'école, les membres du commando sillonnèrent le village en car. Ils visitèrent chaque maison, chaque cave, y arrêtant tous les hommes. L'abbé Delvaux, 50 ans, curé de la paroisse, rentrait de Vaux, où il venait de célébrer la messe. Il était 10h. Au moment où il arrivait à la grand-route, deux soldats se précipitèrent sur lui et le traînèrent à l'école. M. Lutgen, 45 ans, instituteur communal, vint l'y rejoindre. Après avoir été maltraités, le pasteur et l'instituteur se retrouvèrent à l'extérieur, en bordure de la route.
Encadrés de soldats, d'autres villageois vinrent se ranger devant l'école: Emile-Joseph Rosière (34 ans); François Deprez (34 ans); Félix Deprez (29 ans); Romain Henkinet (39 ans); Roger Beaujean (21 ans) et Michel Stranen (22 ans), un jeune Grand-Ducal de Troine-Route; Louis Gilis, Félix Hiffe, Léon Dourte, Fernand Beaujean, le fils Blaise, les frères Coppine et Joseph Girs de Al-Hez (Longvilly). En tout, seize hommes, une dizaine d'entre eux étant interrogés individuellement dans un local intérieur.
Vers midi, les prisonniers furent astreints au déblaiement de la grand-route obstruée par des débris de chars américains détruits la veille. Accoudé à la fenêtre du car qui stationnait près de l'église, un officier, parlant correctement français, apostrophait l'abbé Delvaux: «Allez, Curé, travaille ! ». A son voisin, M. Gilis, l'abbé Delvaux chuchota: «C'est fini, faites votre acte de contrition! » II pouvait être 13 h, en ce 21 décembre de terreur, lorsque les gardiens rassemblèrent à nouveau les hommes devant l'école. Un officier s'approcha d'eux, tira un papier de sa poche et lut huit noms: Gilis, Hiffs, Coppine, Dourte, Blaise, Fernand Beaujean et Girs. Ces gens peuvent rentrer chez eux, ajouta-t-il.
Les huit autres entendirent un ultime ordre: « Mains sur la tête. En avant ! » L'abbé Delvaux et MM. Lutgen, Rosière, Henkinet, Stranen, Roger Beaujean, François et Félix Deprez traversèrent la grand-route et s'engagèrent derrière la maison Jacoby où trois trous avaient été creusés. Trente mètres devant eux, M. Beaujean regagnait sa demeure. Il entendit une détonation, se retourna et vit son curé s'écrouler. Immédiatement après, il y eut une rafale. M. Beaujean rentra chez lui. Il savait que son fils Roger venait d'être fusillé. M. Girs, qui avait été gracié, fut tué par un obus sur le chemin du retour.
Permettez-moi ces quelques mots afin que toutes et tous nous en sachions un peu plus sur Michel Stranen, le jeune Luxembourgeois!
11168 jeunes Luxembourgeois furent enrôlés de force, dans la Wehrmacht.
2848 ont péri sur un champ de bataille, dont son frère Baptiste Straenen.
3510 vont choisir une autre voie pour servir leur pays, la plupart se cacheront au pays, en France ou en Belgique.
820 réussirent à rejoindre les armées alliées et les maquis, dont 154 ne reviendront jamais.
Noville libérée, MM. LOUIS, médecin à Bourcy, LECOMTE, Bourgmestre de Noville et MASSEN, secrétaire communal f.f., identifièrent les corps entre le 25 et le 30 janvier 1945. Ceux-ci, avant d’être déposés dans des cercueils, gisaient, à peine recouverts de terre, dans trois trous d’une quarantaine de centimètres de profondeur.
Comme le nouveau cimetière – dont les travaux d’aménagement débutèrent en 1943 – était terminé, les victimes y furent immédiatement inhumées de part et d’autre de l’allée centrale.
Après l’exhumation des corps, les trois trous restèrent béants et au printemps 1945, par respect de la mémoire des fusillés, l’endroit fut provisoirement clôturé de fils barbelés et les trous comblés. Au retour des prisonniers de guerre, Noville étant pratiquement rasée, une cérémonie patriotique se déroula à cet endroit; des croix de bois provisoires y furent alignées.
La clôture se dégrada de plus en plus. Encore sous le choc et après avoir paré aux urgences de l’heure, les habitants de Noville furent d’avis qu’il "fallait faire quelques chose".
À l’initiative de l’Administration communale, de M. l’abbé GLAUDE, doyen, et des habitants de Noville, bref à l’unanimité, la conservation définitive du site fut décidée et la création de l’enclos tel que nous le connaissons aujourd’hui réalisée en octobre 1954. Le muret d’enceinte est l’œuvre de Louis DOURTE, jeune entrepreneur qui se procura dans l’ancien cimetière, les grilles couronnant le mur. Cloé BEMARD exécuta le monument proprement dit. L’Administration loua les lieux par un franc symbolique et prit les mesures nécessaires à la conservation du site. Le financement de ce mémorial fut assumé par les villageois eux-mêmes
Photo prise au printemps 1945
Plaque commémorative à l'Enclos des Fusillés de Noville.
Sources: discours de Mr Guy Peremans, site officiel commune de Bastgone
Lorsque le brouillard se lève vers 10h, les chars allemands apparaissent en position d’attaque. Appuyé par un peloton du 609e Tank Destroyer Battalion, le team détruit ou tient en respect les chars allemands. L’artillerie allemande exécute des tirs de harcèlement sur Noville.
Le 19, vers midi, le team Desobry est renforcé par le 1re bataillon du 506e Parachute Infantry Regiment de la 101e Airborne Division. Les deux formations lancent une attaque à 14h30 afin de s’emparer des terrains qui dominent Noville. Cette attaque est appuyée par les feux du 420e Armored Field Artillery Battalion. Elle échoue. Un obus de 88 tue le lieutenant-colonel La Prade (chef des paras) et blesse le major Desobry dans leur P.C.
La nuit du 19 au 20, l'artillerie allemande continue à se manifester. Le 20 avant midi, le 2e Panzer Grenadierregiment exécute des attaques mineures, mais constantes, avec, à 10h, l’intervention d’une dizaine de chars. Noville tient, mais les Allemands contournent le village. A 13h, les Américains reçoivent l’ordre de se replier!
A la suite des combattants de la 2.Panzer et de la 26.Volksgrenadier, une unité spéciale de représailles s'installa au village. Ses membres semblaient particulièrement bien informés de ce qui s’était passé à Noville même, depuis la retraite peu glorieuse de la Wehrmacht en septembre 1944. L'un d'entre eux, exhibant une photo de la libération où on voyait notamment les jeunes filles Nicolas acclamer les libérateurs, s'exclama: « Alors, on s'est amusés ici, le 10 septembre dernier!». Pénétrant dans une maison, un autre Gestapiste s'écria: « Et ce fameux Krier, où habite-t-il donc? ». Il s'agissait d'un résistant de la région qui deviendra gendarme. L'arrogance de tous ces gens ne laissait rien présager de bon.
4 heures après s'être installés dans les locaux de l'école, les membres du commando sillonnèrent le village en car. Ils visitèrent chaque maison, chaque cave, y arrêtant tous les hommes. L'abbé Delvaux, 50 ans, curé de la paroisse, rentrait de Vaux, où il venait de célébrer la messe. Il était 10h. Au moment où il arrivait à la grand-route, deux soldats se précipitèrent sur lui et le traînèrent à l'école. M. Lutgen, 45 ans, instituteur communal, vint l'y rejoindre. Après avoir été maltraités, le pasteur et l'instituteur se retrouvèrent à l'extérieur, en bordure de la route.
Encadrés de soldats, d'autres villageois vinrent se ranger devant l'école: Emile-Joseph Rosière (34 ans); François Deprez (34 ans); Félix Deprez (29 ans); Romain Henkinet (39 ans); Roger Beaujean (21 ans) et Michel Stranen (22 ans), un jeune Grand-Ducal de Troine-Route; Louis Gilis, Félix Hiffe, Léon Dourte, Fernand Beaujean, le fils Blaise, les frères Coppine et Joseph Girs de Al-Hez (Longvilly). En tout, seize hommes, une dizaine d'entre eux étant interrogés individuellement dans un local intérieur.
Vers midi, les prisonniers furent astreints au déblaiement de la grand-route obstruée par des débris de chars américains détruits la veille. Accoudé à la fenêtre du car qui stationnait près de l'église, un officier, parlant correctement français, apostrophait l'abbé Delvaux: «Allez, Curé, travaille ! ». A son voisin, M. Gilis, l'abbé Delvaux chuchota: «C'est fini, faites votre acte de contrition! » II pouvait être 13 h, en ce 21 décembre de terreur, lorsque les gardiens rassemblèrent à nouveau les hommes devant l'école. Un officier s'approcha d'eux, tira un papier de sa poche et lut huit noms: Gilis, Hiffs, Coppine, Dourte, Blaise, Fernand Beaujean et Girs. Ces gens peuvent rentrer chez eux, ajouta-t-il.
Les huit autres entendirent un ultime ordre: « Mains sur la tête. En avant ! » L'abbé Delvaux et MM. Lutgen, Rosière, Henkinet, Stranen, Roger Beaujean, François et Félix Deprez traversèrent la grand-route et s'engagèrent derrière la maison Jacoby où trois trous avaient été creusés. Trente mètres devant eux, M. Beaujean regagnait sa demeure. Il entendit une détonation, se retourna et vit son curé s'écrouler. Immédiatement après, il y eut une rafale. M. Beaujean rentra chez lui. Il savait que son fils Roger venait d'être fusillé. M. Girs, qui avait été gracié, fut tué par un obus sur le chemin du retour.
Permettez-moi ces quelques mots afin que toutes et tous nous en sachions un peu plus sur Michel Stranen, le jeune Luxembourgeois!
11168 jeunes Luxembourgeois furent enrôlés de force, dans la Wehrmacht.
2848 ont péri sur un champ de bataille, dont son frère Baptiste Straenen.
3510 vont choisir une autre voie pour servir leur pays, la plupart se cacheront au pays, en France ou en Belgique.
820 réussirent à rejoindre les armées alliées et les maquis, dont 154 ne reviendront jamais.
Noville libérée, MM. LOUIS, médecin à Bourcy, LECOMTE, Bourgmestre de Noville et MASSEN, secrétaire communal f.f., identifièrent les corps entre le 25 et le 30 janvier 1945. Ceux-ci, avant d’être déposés dans des cercueils, gisaient, à peine recouverts de terre, dans trois trous d’une quarantaine de centimètres de profondeur.
Comme le nouveau cimetière – dont les travaux d’aménagement débutèrent en 1943 – était terminé, les victimes y furent immédiatement inhumées de part et d’autre de l’allée centrale.
Après l’exhumation des corps, les trois trous restèrent béants et au printemps 1945, par respect de la mémoire des fusillés, l’endroit fut provisoirement clôturé de fils barbelés et les trous comblés. Au retour des prisonniers de guerre, Noville étant pratiquement rasée, une cérémonie patriotique se déroula à cet endroit; des croix de bois provisoires y furent alignées.
La clôture se dégrada de plus en plus. Encore sous le choc et après avoir paré aux urgences de l’heure, les habitants de Noville furent d’avis qu’il "fallait faire quelques chose".
À l’initiative de l’Administration communale, de M. l’abbé GLAUDE, doyen, et des habitants de Noville, bref à l’unanimité, la conservation définitive du site fut décidée et la création de l’enclos tel que nous le connaissons aujourd’hui réalisée en octobre 1954. Le muret d’enceinte est l’œuvre de Louis DOURTE, jeune entrepreneur qui se procura dans l’ancien cimetière, les grilles couronnant le mur. Cloé BEMARD exécuta le monument proprement dit. L’Administration loua les lieux par un franc symbolique et prit les mesures nécessaires à la conservation du site. Le financement de ce mémorial fut assumé par les villageois eux-mêmes
Photo prise au printemps 1945
Plaque commémorative à l'Enclos des Fusillés de Noville.
Sources: discours de Mr Guy Peremans, site officiel commune de Bastgone
Tinky- First Sergeant
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Date d'inscription : 26/01/2011
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